Le ruban de Saint-Georges, incontournable du 9 mai en Russie
Dès 1992, la Fédération de Russie décide de rétablir le prestigieux Ordre de Saint-Georges, dont le ruban orange et noir symbolise la lutte du peuple russe contre le nazisme lors de la Grande Guerre patriotique. Depuis 1943, l’Ordre de Saint-Georges a été décerné à plus d’un million de combattants pour leur bravoure.

Présent depuis toujours sur les récompenses de l’Ordre de Saint-Georges, le ruban orange et noir est vite devenu le symbole de la victoire de l’Armée rouge sur l’Allemagne nazie, et, par extension, celui de l’esprit patriotique de tout un pays.
Un engouement grandissant
Depuis 2005, il réapparaît en force à chaque commémoration de la fin de la Grande Guerre patriotique (le 9 mai, en Russie), et se retrouve arboré par des millions de Russes. La ferveur populaire autour de ce ruban est aujourd’hui plus forte que jamais. Dès le début du mois de mai, de grandes campagnes de distribution gratuite de rubans sont organisées dans les rues, et, à Moscou, par exemple, 10 000 rubans sont ainsi offerts chaque jour. Il est de bon ton de le traiter avec respect, en l’accrochant idéalement "à la boutonnière" ou au bras.
La majorité des Russes choisissent de porter le ruban de Saint-Georges en signe de reconnaissance et de souvenir des 27 millions de Soviétiques morts pour la victoire contre le nazisme, par respect pour ceux qui se sont battus pour le pays.
L’engouement pour ce ruban devenu traditionnel dépasse les frontières et gagne en ampleur. Si les cosmonautes russes de la station internationale l’épinglent aussi à leur combinaison, en 2017, le ruban orange et noir fut remarqué dans près de 90 pays, parmi lesquels les pays de l’ex-URSS, la Serbie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Grèce, le Vietnam, la Jordanie, le Liban, la Chine, l’Inde, le Brésil, Cuba, le Canada, etc.
L’Ukraine se fâche
Par contre, l’Ukraine s’y refuse désormais. Il y est même interdit par une loi datant du 16 mai 2017. Le ruban de Saint-Georges y est devenu le symbole de "l’occupation et de l’agression russe".
Certains le considèrent même comme un soutien aux séparatistes pro-russes de l’est de l’Ukraine, qui le portent également. Les partisans de Kiev les surnomment d’ailleurs les doryphores, en référence à l’insecte orange et noir.
Alors, quand le Pape François s’est vu offrir ce fameux ruban début mai 2016 sur la place Saint-Pierre au Vatican, par le député russe Pavel Dorokhine, et qu’il l’a immédiatement épinglé sur sa soutane, une partie des Ukrainiens a été furieuse.
En voulant commémorer les héros de la Seconde Guerre mondiale, la victoire sur le nazisme, et faire preuve de solidarité avec le peuple russe, le Pape ne mesurait pas l’offense perçue par certains.
Des dérives qui inquiètent
Le succès grandissant de ce ruban orange et noir n’est pas toujours vu d’un bon oeil. A l’origine distribué en rappel des décorations de l’Ordre de Saint-Georges afin d’honorer les morts de la Grande Guerre et d’affirmer son patriotisme, il se retrouve parfois galvaudé et affiché sans respect, voire même traité comme un accessoire de mode amusant. Certains Russes en sont bien sûr choqués.
Mais une autre offensive plus compliquée est à mener du côté du marketing. L’image de ce ruban étant libre de droits, elle se retrouve maintenant utilisée dans des campagnes publicitaires.
Pour certains, l’omniprésence des couleurs orange et noire risque de porter atteinte au souvenir de la victoire de 1945 :
"Ce symbole, la marque de la victoire, est abaissée et dépréciée sur des emballages de salade ou de gâteaux, et même par la légèreté d’esprit avec laquelle nous l’attachons à notre rétroviseur ou à notre sac à main" s’inquiètent des passants.
Constantin Kalachëv, politologue et directeur d’un Groupe d’experts politiques, s'insurge: "ça suffit de gagner de l’argent sur le dos du patriotisme ! "On trouve même des rubans de Saint-Georges sur de la saucisse ou des bâtonnets de crabe ! Je pense que c’est au-delà du Bien et du Mal, non ?"
Il propose de mettre fin à tout ce marketing autour des symboles de la Victoire par une loi. Et depuis 2017, le projet est à l’étude.
Texte initialement publié sur le blog de Marion Word, Russie Méconnue. Retrouvez l'intégralité du texte: Saint-Georges et la Russie
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